Party plus très free
Dans la Marne, premier Teknival organisé en coordination avec les autorités. Plus encadré. Moins spontané.
Les gens déambulent entre les sound systems, et c’est une immense vague. De loin, on dirait une grande foire. Avec une musique bien plus forte. A Marigny (Marne), sur une base désaffectée de l’Otan, le Teknival 2003 dure depuis jeudi, organisé en coordination avec le ministère de l’Intérieur. Et c’est une quasi-première.
Il y a des « sons » alignés, avec devant des teufeurs déhanchés. Bière, monbazillac ou veuve-cliquot, les bouteilles sont de toutes les classes sociales. Les pétards aussi. Ceux qui les consomment ont souvent la banane, ou le sourire béat. On attend 25 000 personnes pendant tout le week-end. A l’entrée, la « sécurité » demande une « donation ». Une participation financière à la manifestation, dont le coût, pour les organisateurs, est évalué à 170 000 euros. Un des signes du changement.
« Piège ». Moksa (ndlr Freetekno.org) est un des instigateurs de cette nouvelle donne. « On est en négociation avec Sarkozy depuis septembre, on y met du nôtre, ils y mettent du leur. Nous, on a tout à y gagner, la pérennité du truc, et montrer aux élus locaux qu’on peut s’organiser, débloquer les mentalités. » Et apparemment, l’image est importante. « Un Teknival pas autorisé, ça peut déranger les gens, explique, à l’entrée, Nicolas. Avant c’était plus fragile, on ne pouvait pas apporter une sécurité, ni éviter des rumeurs comme quoi on était délinquants. » Premiers résultats tangibles : les voitures ne vont pas sur le dance-floor (la zone de son). Des toilettes chimiques (45), deux citernes d’eau, six bennes à ordu res 50 m3 chacune ont été installées avant l’arrivée des teufeurs. Les pompiers ont moins de mal que d’habitude à avancer... Un peu moins de bordel. Quoique...
Il y a toujours des sacs poubelles qui craquent sous les roues des camionnettes. Mais, pour Médecins du monde, l’organisation y gagne. « Le site est moins chaotique au niveau hygiène », dit Benjamin, qui avoue aussi ne pas ressentir « l’animosité de base, antiflic, ou la menace qui plane. Les gens qu’on voit ici, je les sens beaucoup plus en paix. » Une jeune fille passe avec un tee-shirt « fuck the sécurité ».
Les teufeurs sont partagés. Comme Jan qui trouve que ça perd en « spontanéité », qu’il y a désormais « trop de touristes » et de gens qui n’ont rien à faire là-dedans, qui ne comprennent pas le but ultime de la fête et qui viennent ici « comme dans un cirque ». Brieuc, lui, a peur d’être « mis sur des rails » d’un « piège qui se referme ». Quel piège ? Qu’il n’y ait « plus jamais de fête libre ». Il y a ceux qui pensent qu’il faut avancer. Julien ne se rend même pas compte que c’est « organisé », trouve que c’est une des meil leures « teufs » au niveau des sons les organisateurs attendent 91 sound systems pour le week-end et Christophe, fataliste, dit : « C’est le système qui nous a mis le grappin dessus. On est à un tournant pour la techno. » Il dit aussi : « Je trouve ça bien. Il y a une assurance de ne pas se faire emmener par les flics. » Des teufeurs dorment, d’autres mangent « salade de riz, corn flakes, quatre-quarts Nutella ».
« Se lâcher ». Moksa a du boulot. Mais il pense être sur la bonne voie. « On voit notre intérêt dans le fait de collaborer avec les autorités. Sans pression répressive, on peut vraiment se lâcher, prévoir des choses par rapport à l’endroit. » A Gaye, commune limitrophe, le maire convient qu’il ne dort pas à cause du bruit. Cela se passe mieux qu’il y a deux ans. Même s’il y a encore des plaintes pour les cultures écrasées... Les gendarmes, qui multiplient les contrôles, en con viennent aussi : « Lundi, il sera temps de faire le bilan. ».
Par Didier ARNAUD, samedi 03 mai 2003 Marigny (Marne) envoyé spécial |