Dans le combat qui oppose depuis plusieurs années la SNCF et la RATP au milieu des tagueurs, une nouvelle arme vient d’apparaître : l’acide. Depuis quelques mois, des tags d’un genre jusque-là inconnu en France fleurissent sur les vitres des trains et bus de la région parisienne. Ces « signatures » sont réalisées à l’aide d’un acide particulièrement corrosif qui ronge le verre et laisse des traces irréparables. Pour la première fois, les enquêteurs du groupe judiciaire de la brigade des chemins de fer (BCF) sont parvenus à retrouver les membres d’un groupe qui s’était fait une spécialité de ce type de dégradations. La semaine dernière, cinq suspects, âgés de 23 à 28 ans, ont été interpellés et écroués dans le cadre d’une information judiciaire ouverte à Paris et confiée à la juge Corinne Goetzman. « Dans le jargon du milieu, ces tags sont appelés des gravages, commente une source judiciaire. Depuis quatre ou cinq ans, certains tagueurs faisaient déjà pas mal de dégâts en utilisant des pointes métalliques, des clefs, des mèches de perceuse ou des bougies de voiture pour laisser leurs signatures sur la peinture ou les vitres des wagons des trains de banlieue ou du métro. Les premiers tags à l’acide sont apparus il y a un peu près un an et le phénomène a commencé à prendre de l’ampleur au mois de novembre dernier. L’alibi artistique est souvent mis en avant par les tagueurs pour justifier leurs actes. Mais là, on est face à de la dégradation pure et simple. »
Un produit très spécifique directement importé des Etats-Unis Au cours de leurs investigations, les policiers de la BCF ont rapidement isolé un groupe très actif dont la signature s’affichait sur de nombreux bus et trains franciliens. « Ils se sont baptisés TSO, ce qui signifie Tout simplement ouf (NDLR : fou en verlan) , explique un policier. Tous n’utilisent pas de l’acide, mais leur petite équipe s’est particulièrement distinguée dans ce domaine. » A force de filatures et de planques, les enquêteurs ont réussi à isoler les principaux suspects. Les trois premiers ont été interpellés lundi dernier, un quatrième le lendemain et le dernier mercredi matin. Lors des perquisitions à leurs domiciles, à Courbevoie (Hauts-de-Seine), Sartrouville (Yvelines) et dans le Val-d’Oise, les policiers ont découvert trois litres de l’acide qu’ils utilisaient. Ce produit très spécifique est peu connu en France, et les tagueurs qui l’utilisent le font venir des Etats-Unis. Le patron d’un magasin spécialisé dans la vente de bombes de peinture fait partie des cinq jeunes hommes écroués. Ceux d’entre eux qui étaient déjà connus des services de police avaient été impliqués dans des affaires de dégradations. La décision de leur placement en détention a apparemment été motivée par l’ampleur des dégâts causés par ce nouveau mode de gravage. La justice les suspecte en effet d’être à eux seuls responsables de 100 000 € de réparations pour le remplacement des vitres endommagées. D’après leurs premières déclarations, ils utiliseraient l’acide en le mélangeant simplement à l’encre de gros marqueurs. Une expertise judiciaire est en cours pour vérifier si ce procédé est véritablement celui utilisé.
[ Article paru dans Le Parisien - 2003 ] |